
OPINION
16 septembre 2020

L'éclosion de la COVID-19 a apporté son lot de conséquences à l’échelle mondiale. Celles-ci se sont notamment manifestées à travers divers enjeux éthiques, tels que la priorité de l’attribution des soins et la géolocalisation de cas positifs. Alors que plus d’une centaine d’équipes scientifiques en provenance du monde entier travaillent d’arrache-pied dans le but de développer un vaccin efficace contre la maladie, un nouveau dilemme se présente, soit l’adoption d’une loi sur la vaccination obligatoire. Il va sans dire que plusieurs points sont à considérer avant de prendre une décision d’une telle importance.
Au Canada, ce sont plus de 600 millions de dollars qui ont été investis dans la fabrication de vaccins contre la COVID-19 et dans les essais cliniques. « C'est un processus aussi impressionnant que fascinant », indique la Dre Lynora Saxinger, spécialiste en maladies infectieuses à l'Université de l'Alberta, à Edmonton. « Et c'est un travail absolument nécessaire. » Bien que plusieurs attendent impatiemment l’arrivée d’un remède, une enquête de Statistiques Canada relève une réticence au vaccin chez une partie de la population, où une personne sur dix refuserait de se faire vacciner. Ces répondants sont avant tout préoccupés par les aspects de la sécurité et des effets secondaires potentiels du vaccin. Puisqu’il est présentement envisagé d’imposer celui-ci à tous, il est nécessaire de se poser la question suivante: est-il moral d’obliger un individu à se faire vacciner pour sa propre protection ainsi que pour celle de la collectivité sans son consentement?
Selon la Charte des droits et libertés de la personne, forcer un individu à se faire vacciner est une violation de son droit fondamental à l’autonomie personnelle. « Le fait d’avoir à prendre un vaccin, c’est une atteinte à l’intégrité. C’est plus grave que de forcer à porter le masque. Un masque, c’est simplement un bout de tissu sur le visage, alors que le vaccin, c’est une aiguille. C’est un acte médical et ça prend un consentement pour le faire », a expliqué Me Marianne Plamondon, associée chez Langlois avocats, lors d’une entrevue avec LCN.
Alors que tout porte à croire jusqu’ici que la Charte des droits et libertés de la personne détient un pouvoir absolu sur la cause en jeu, il faut cependant se rappeler que la loi de la Santé publique s’octroie un droit supérieur lorsqu’il en vient à la santé commune. Par ailleurs, cette loi autoriserait le gouvernement du Québec à rendre obligatoire la vaccination contre la COVID-19, s’il advenait qu’une telle décision soit prise. Marie-Ève Couture-Ménard, professeure en droit de la santé publique à l'Université de Sherbrooke, croit tout de même qu’imposer un vaccin diffèrerait de la logique de vaccination qui prédomine au Québec, puisque l’intérêt collectif primerait sur plusieurs droits individuels. De surcroît, cette dernière affirme qu’aucun vaccin n’est présentement obligatoire, mais que le gouvernement offre des campagnes de vaccination afin de sensibiliser la population. « Mentionnons également qu’une disposition dans la loi fait aussi en sorte que le gouvernement du Québec ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l’exercice ou l’exécution des pouvoirs liés à l'urgence sanitaire » souligne-t-elle.
Si les chances qu’un gouvernement canadien impose le vaccin contre la COVID-19 sont plutôt minces, un autre facteur pourrait grandement changer la donne. Effectivement, certains employeurs auraient la permission légale d’exiger la prise de l’éventuel vaccin à leur personnel. Les employés d’entreprises qui sont à risque de contamination pourraient donc devoir se faire vacciner afin de conserver leur emploi. Selon Me Plamondon, la même condition pourrait s’appliquer lors de l’embauche de nouveaux employés, pourvu que leur employeur soit en mesure de prouver que le vaccin représente une « exigence professionnelle justifiée ». En d’autres termes, une entreprise obtient le pouvoir d'administrer obligatoirement un vaccin à son personnel lorsque les bénéfices qui résultent de cette action sont indéniables et que cette dernière n’engendre pas de conséquences négatives. Me Plamondon a ajouté lors de l’entrevue que les patrons pourraient également se réserver la décision de ne pas rémunérer des employés qui refuseraient le vaccin et qui se retrouveraient dans l’impossibilité de travailler en raison d’une quarantaine préventive.
En conclusion, que l’adoption d’une vaccination obligatoire soit approuvée ou non par le gouvernement, il demeure avant tout primordial de sensibiliser la population canadienne sur l’enjeu actuel afin que chacun puisse prendre une part de responsabilité. Cela débute par de simples actions telles que porter le masque dans les endroits publics et se désinfecter les mains régulièrement. Cependant, il est très probable que, dans l’optique d’une immunité globale, la population se voit obligée de se faire administrer une vaccination. Le résultat de la prise d’un vaccin sur la répartition du virus repose donc sur une solidarité commune. Afin que tous puissent profiter des avantages d’une immunité collective, il revient à chaque citoyen d’agir avec responsabilité. Selon Theresa Tam, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, l'immunisation de groupe à l’échelle globale est plutôt faible présentement. Elle affirme que, selon un consensus international, il faudrait que le taux de vaccination au niveau de la population globale atteigne un minimum d’environ 50% afin que ce dernier soit suffisamment élevé. Elle ajoute que « L’adoption généralisée du vaccin est la meilleure chance qu’auront les Canadiens de récupérer une partie de ce que nous avons perdu ».
La vaccination obligatoire : un enjeu éthique fondamental
Marianne Richer