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25 avril 2020

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En date d’aujourd’hui, le nombre de cas recensés de la COVID-19 a dépassé la barre des 2,5 millions. Plusieurs villes et pays dans le monde ont pris la décision d’adhérer au confinement en plus d’avoir mis en place des mesures strictes afin de s’assurer que l’entièreté de la population reste chez soi. Alors que l’épidémie affecte plusieurs secteurs de la société, notamment l’économie et les déplacements, on note un impact environnemental considérable. Certes, ces changements apportent un vent de fraîcheur en ces temps difficiles, mais peut-on affirmer que cette tournure d'événements aura un impact sur la crise climatique à long terme?

Réduction des émissions de GES

Selon le Center for Research on Energy and Clean Air, les centrales chinoises ont brûlé 36% moins de charbon cet hiver que les années antérieures. 

Carbon Brief, un site fondé au Royaume-Uni spécialisé dans la recherche sur le climat et l’énergie, a récemment publié un article dans lequel on observait pendant la période de quarantaine une baisse de production dans les industries essentielles chinoises, dont celle du charbon. Cet arrêt temporaire a engendré une réduction de 25% des émissions de CO2 dans les semaines qui ont suivi le Nouvel An lunaire. Bien qu’une diminution semblable de GES ait lieu annuellement aux alentours de ces festivités, les chercheurs estiment que ce phénomène est plus important cette année. 

Le Earth Observatory  de la NASA a constaté en début d’année une baisse éminente du taux de dioxyde d’azote (NO2) – gaz polluant toxique émis par les véhicules en plus des centrales et des industries qui brûlent des combustibles fossiles. Ainsi, les valeurs de NO2 dans le centre et l’est de la Chine étaient d’environ 30% inférieures à celles de 2019.

La NASA a également publié une carte illustrant la diminution prononcée d’émissions de NO2 dans la province de Hubei, soit la plus touchée par l’épidémie de la COVID-19, dans la période du 1er janvier au 25 février. De surcroît, Le New York Times a récolté les données satellites de la Chine dans l’intention de comparer les résultats de 2020 à ceux de la même période en 2019; on constate une variation frappante.

​En ce qui concerne le nord de l’Italie, un des endroits les plus meurtris par la pandémie, les mesures de confinement ainsi que l’interruption des transports ont paralysé la société et l’économie de cette importante région industrielle au cours des dernières semaines. La baisse de CO2 observée est particulièrement marquée de la fin février au début mars. Les données étudiées font l'unanimité chez les spécialistes de l’Agence spatiale européenne (ESA) : « Même si les données peuvent refléter de faibles variations dues à la couverture nuageuse ou à la météo, nous avons la certitude que la réduction des émissions observée coïncide avec le confinement en Italie, qui entraîne une diminution du trafic et des activités industrielles. »

​L’épidémie s’étant d’abord attaqué à l’Asie, puis à l’Europe, c’est maintenant en Amérique du Nord que l’on peut remarquer les effets positifs d’un confinement collectif. Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal, prévoit une hausse de popularité du télétravail lorsque la crise sera finie, ce qui permettrait de réduire les émissions de GES.

Impacts positifs sur les écosystèmes

​Non seulement a-t-on pu constater les bénéfices de l’épidémie sur la qualité de l’air, mais on peut aussi noter un renversement de certains écosystèmes. C’est entre autres choses le cas en Italie, où les changements environnementaux sont indéniables. Par exemple, les voies navigables typiquement troubles de Venise sont à présent dégagées, puisque les sédiments restent au sol grâce à l’absence de trafic fluvial. Cela n’implique pas que l’eau est soudainement devenue propre, mais les médias locaux ont tout de même affirmé que les écosystèmes des canaux de la ville ont montré des signes de régénérescence.

​Impacts négatifs du ralentissement économique

Selon Simon Evans, rédacteur en chef adjoint de Carbon Brief, la réduction de 25% des émissions de CO2 enregistrée en Chine est certes significative à l’échelle mondiale, mais elle a peu de portée à long terme : « Donc vraiment, la grande question c’est : comment le gouvernement chinois va répondre à ça. Et quand on pense à la crise financière mondiale par exemple, on a vu qu’après une réduction de l’activité industrielle, le gouvernement central en Chine a injecté des sommes colossales d’argent dans l’économie, pour les infrastructures, intensivement. La chute a donc été plus que compensée par un regain  dans les années qui ont suivi. »

​Dans un même ordre d’idée, Peter Gleick, climatologue et fondateur du Pacific Institute de Berkeley, estime que le ralentissement économique n’apporte rien de favorable à la cause environnementale. Selon lui, moins de ressources seront investies pour contribuer à la réduction des GES à la sortie de la crise. 

​Joeri Rogelj, spécialiste du changement climatique au Imperial College London, collège qui contribue aux travaux du GIEC, soutient pour sa part qu'en prenant conscience des sommes exorbitantes que les gouvernements dépensent pour lutter contre la COVID-19 actuellement, il est possible de se mobiliser afin que des fonds soient utilisés pour transformer radicalement l’économie et ainsi mettre fin au réchauffement climatique. 

​Évidemment, le meilleur scénario serait de pouvoir améliorer la situation climatique sans pour autant que l’économie en soit pénalisée. Le résultat à long terme de la pandémie par rapport à l’environnement dépendra donc de la façon dont les pays et les entreprises se relèveront d’une potentielle crise économique.

Lien hypothétique avec la crise climatique

Malgré qu’il soit encore trop tôt pour établir un lien entre le nouveau coronavirus et le changement climatique, nombreux sont les chercheurs qui ont depuis longtemps envisagé la possibilité qu’une pandémie quelconque ait lieu à cause de l’évolution pathologique du monde. 

«Il est bien connu depuis 30, 40 ans… que la plus grande menace pour l'humanité du point de vue virologique est un virus à ARN respiratoire pathogène», a déclaré Marc-André Langlois, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en virologie moléculaire et immunité intrinsèque, et un professeur à la faculté de médecine de l'Université d'Ottawa. Ce dernier a également affirmé que ce type de virus possède l’impressionnante capacité d’éradiquer une grande partie de l’humanité.

Selon Katie Clow, professeure au Ontario Veterinary College de l’Université de Guelph, la densité de la population est constamment en croissance, contribuant ainsi à la déforestation et au réchauffement climatique. Cela développe la capacité des arthropodes, dont les moustiques en particulier, à transmettre des zoonoses.

Les zoonoses sont des maladies et des infections pouvant être transmises naturellement des animaux aux humains. Craig Stephen, professeur à la fois au Western College of Veterinary Medicine de l'Université de la Saskatchewan et au School of Population and Public Health de l'Université de la Colombie-Britannique, affirme que les humains peuvent contracter ces maladies de façon sporadique ou régulière. Toutefois, les maladies évoluent et peuvent éventuellement se passer uniquement de personne en personne. C’est le cas pour le pathogène de la COVID-19, alors qu’il a développé des adaptations génétiques pour infecter les humains. «Nous nous connectons plus intimement et plus rapidement avec nos voisins du monde», poursuit Stephen. «C'est l'une des grandes, grandes choses qui dit qu'une pandémie est plus susceptible de se produire maintenant qu'elle ne l'était auparavant.»

Selon Colin Carlson, professeur adjoint de recherche au Center for Global Health Science and Security à Georgetown University, le changement climatique signifie à long terme que nous serons confrontés à davantage de risques d’apparitions de maladies similaires à la COVID-19.

Regarder de l’avant

«[...] on voit en ce moment que nos agences publiques, gouvernements, organismes internationaux sont capables d’une réponse coordonnée et efficace.», affirme Miriam Diamond, professeure en sciences de l’environnement à l’Université de Toronto. «C’est de ça qu’on aurait besoin pour les changements climatiques aussi. On en parle souvent comme un enjeu environnemental, mais c’est un enjeu de durabilité, de viabilité de la société.» Selon Diamond, il est temps de se tourner définitivement vers les changements à long terme, tels que la baisse des voyages à l'international, une hausse de fabrication et de production à l’échelle locale ainsi que l’amélioration de nos économies locales.

Selon Pierre-Olivier Pineau, il est nécessaire de s’engager à amener des changements positifs à long terme, par exemple en accordant plus d’importance au covoiturage, aux transports en communs ainsi qu’au télétravail, afin de se diriger vers une baisse définitive des émissions de GES.

​La COVID-19 est un enjeu de santé humaine. Toutefois, l’aspect économique semble monopoliser l’attention de tous. Maintenant, il serait intéressant de voir jusqu'où pourrait aller la discussion si on se concentrait plutôt sur l’aspect écologique.

Une pause méritée pour la Terre

Marianne Richer

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