
OPINION
7 avril 2021
Les rutabagas : LE mystère dévoilé !!!
Laurent Porter

Vous ne fermez plus l'œil de la nuit, car vous ne pensez qu’aux rutabagas ? Vous avez plus hâte de découvrir cet aliment sensationnellement rond que de voir poindre la fin de la pandémie ? Vous sentez que les rudiments du rutabaga vous manquent et qu’une cruelle passion inassouvie vous pousse à en redemander ? N’ayez crainte ! Les réponses tant attendues à TOUTES vos questions se trouvent ici. Il est grand le mystère de la foi, mais j’éclaircis aujourd’hui celui du rutabaga.
Longtemps confondu avec le navet ou avec Jean-François Guèvremont, le rutabaga est à la fois un légume et une racine. Pour éviter de le mélanger avec d’autres crucifères, voire de malencontreusement crucifier votre fin palais buccal lorsque vous vous délecterez du potage de votre belle-famille, voici quelques trucs. Le navet, cet imitateur radin et décadent, possède une peau blanche et des feuilles rugueuses. Le rutabaga, lui, est pourvu d’une chair plutôt jaune avec des feuilles lisses. Attention ! Il peut encore être physiquement confondu avec son cousin sur le plan formel; les deux aliments sont constitués de feuilles, d’un motton comestible (le collet) et de racines, des souches tubérisées. Cela dit, constatez

à quel point la rondeur adorable du rutabaga (légume-racine de droite) est comparable à celle d’un Ewok : en cela, notre héros est par conséquent irrémédiablement supérieur au navet.
Maintenant que cette distinction outrancière a été écartée de notre chemin, nous pouvons enfin plonger dans l’univers délectable du rutabaga. Avez-vous dit... rutabaga ? Un nom ne lui suffit pas, il en revêt au moins une douzaine d’autres pour charmer ses cultivateurs et mondialiser son culte. Votre Brassica napus préféré appartient à la famille des crucifères, parmi lesquels bon nombre de choux font office de figures de proue. À peine moins suédois que votre dernière table de chevet IKEA, il gagne ses lettres de noblesse à la fin du Moyen Âge en Scandinavie. Au début du XVIIIe siècle, l’aliment se glisse un peu partout en Europe avant de se tailler une place de choix dans la gastronomie de notre cher pays, le Québec — tousse tousse*, veuillez pardonner ce réflexe nationaliste — Canada. Justement, le légume-racine est tout indiqué pour résister aux rudes hivers québécois. Sa période de consommation dure aussi longtemps que nos hivers (soit d’octobre à avril) et il résiste à des températures aussi basses que -10 degrés Celsius, voire davantage pour certaines sous-espèces nordiques. Ses capacités de conservation très pratiques l’ont même mis à l’avant-plan lors de la Première Guerre mondiale! Pendant l’hiver 1916-1917, plus tard appelé Steckrübenwinter (l’hiver des rutabagas), les Allemands ont été forcés, bien malgré eux, à ne consommer que des rutabagas à répétition ! Ses feuilles étaient données en pâture au bétail et la population en mangeait le dodu collet. Quoiqu’ils aient pu bénéficier de ses propriétés très santé, ils s’en sont lassés et ont perdu la guerre. Coïncidence ?
Et ce n’est pas tout ! Parlons justement de ses nombreux atouts curatifs ou alimentaires. Gastronomiquement parlant, son goût suave à mi-chemin entre une patate et un navet en fait un passe-partout agréable du couscous au gratin en passant par la soupe et les viandes. Quoique principalement mangé cuit, le rutabaga — péché mignon s’il en est un ! — se mange aussi cru. Oui oui, vous pouvez croquer à pleines dents dans un rutabaga frais du jour piqué dans le champ de votre voisin. Il convient mieux de choisir des rutabagas un peu plus petits, car plus savoureux. Cela dit, fait vécu, vous devriez éviter de vous présenter en réunion administrative avec des feuilles luisantes de rutabaga entre les dents. Éblouissant, certes, mais ça paraît un peu mal.
Le rutabaga est fort en vitamine C, mais fort peu calorique (à raison de 25 kcal/100 g). Comme vous n’y tenez plus, vous pouvez dès maintenant vous lancer tête première dans votre piscine de rutabagas et éviterez ainsi assurément le scorbut. Le légume-racine regorge en prime de potassium et de fibres. Son seul défaut est d’interférer, lorsque dévoré en trop grandes quantités, avec des acétaminophènes comme le Tylenol. Autrement dit, si l’absence de ces antioxydants de compétition peine et trouble votre cœur, ne négligez pas non plus vos maux de tête. À cet effet, l’Association du Rutabaga Québécois (ci-après ARQ) se dégage de toute responsabilité en cas de problèmes cardiaques majeurs dus à l’ingestion gargantuesque de légume-racines.
En somme, j’espère vous avoir fait céder à votre tentation grandissante de croquer dans un bon gros rutabagas bien frais. Vous salivez ? C’est normal. Arrêtez une fois pour toutes de fixer le rutabaga…
…
…(oui, celui-ci) sur votre comptoir. Faites-vous plaisir !
Références
« Brassica napus ». North Carolina Extension Gardener Plant Toolbox. Consulté le 5 avril 2021. https://plants.ces.ncsu.edu/plants/brassica-napus/.
Conan, Catherine. « Le rutabaga ». Passeport Santé. Consulté le 5 avril 2021. https://www.passeportsante.net/fr/Nutrition/EncyclopedieAliments/Fiche.aspx?doc=rutabaga.
« Le rutabaga ». CuisineAZ. Consulté le 5 avril 2021. https://www.cuisineaz.com/articles/rutabaga-2368.aspx.
« Rutabaga et navet, même chose? Eh non! ». Aliments du Québec. Consulté le 5 avril 2021. https://www.alimentsduquebec.com/fr/blogue/bon-a-savoir/rutabaga-et-navet-meme-chose-non .
« Rutabaga ». Wikipédia . Consulté le 5 avril 2021. https://fr.wikipedia.org/wiki/Rutabaga .
« The political crisis of 1916-1917 ». Britannica. Consulté le 5 avril 2021. https://www.britannica.com/place/German-Empire/The-outbreak-of-World-War-I#ref1255847
https://fondationolo.ca/blogue/alimentation/decouvrir-les-aliments/rutabaga/
https://blog.wggmarket.com/blog/rock-your-rutabaga