Monsieur las,

Assis là,

 

Vous avez de la bière rousse dans votre douce barbe couleur brouillard... ou bien est-ce un amas de larmes qui ont coulé depuis vos joues pâles et sales?

 

Vos yeux sévères ont tout de même cet éclat de lumière qui me dit qu'ils ont jadis observé des levers de soleil et des nuits de ville à n'en plus finir. Qu’ils ont été témoins du genre de chose qui laisse un espoir impérissable derrière. Que les pattes d'oies en leur coin et les rides creuses sur vos joues n'y sont pas pour rien. Que ces bras n'ont pas toujours été croisés serrés, que ces cheveux n'ont pas toujours calé. Pas que tout cela soit laid, au contraire, vous me semblez sagement charmant, mais je peux voir que ce n'est pas votre premier voyage au pays de l'inhibition. Boui-boui semble être votre nid d'action.

 

Monsieur las,

Je suis là, 

Je vous vois.

 

Encore une fois, vous sentiez que vous n’aviez pas le choix. C’est comme s’il ne restait plus rien d’intéressant autour de vous, outre vos verres solidaires. Que faire lorsqu’on est rendu plus seul que solitaire?

 

« On prend une autre bière », me diriez-vous, comme si c'était la réponse à tout, avec un petit rire plein de détresse qui me blesse. Pendant que le bar s’exalte, votre cœur survit grâce au malt. Tous les jours, toujours. J’aimerais tant vous ramener dans le temps où ça n’arrivait que très rarement.

 

Je ne saurais vraisemblablement jamais ce qui vous a amené jusqu’ici, seul et presque évanoui. Peut-être ne le savez-vous pas non plus. Des deuils accablants, un mal-être inexplicable et acharné, des traumatismes intergénérationnels, des espoirs politiques et sociaux déçus, déchus…

 

Mais je vois toujours les étoiles dans vos yeux, elles restent là, scintillantes d’impatience. Elles crient fort. Elles veulent sortir et vous envelopper. Elles veulent que vous guérissiez. 

 

Monsieur elles sont là.

 

Si ça vous parle: 

https://www.msss.gouv.qc.ca/repertoires/dependances/organis_certifier.php
 

Texte par Mariane Cantin

@ecrismoidel.art