
POÉSIE
10 mars 2021
Souffle
Laurent Porter

Un ami vient me voir pour apprendre à être grand.
Il me dit: « J’ai un problème sur les bras, et elle est terriblement jolie...
Ma tête ne sait plus, mais elle sait plus qu’avant
Mon corps ne réagit plus sans son commandant
Mon coeur est aveugle, mais goûte la lumière
Vraiment, mon ami, je ne sais plus quoi faire. »
Je lui réponds tout doucement que dans les circonstances
Il lui faut écouter... sa montre.
Dépité, son faciès oublie toute consistance
J’en ris, puis en bon écuyer lui démontre
Quand l’espace-temps devient navigable
La peur est ta planche, alors planche sur ta peur
Et si, vraiment, tu ne t’en sens pas capable
Je t’y pousserai, allez, c’est bientôt l’heure
D’un élan confus, incertain, moribond et poétique
Il s’élance dans une valse de mots sur sa dulcinée
Dommage! Parce qu’au-delà de ses mots pathétiques
Il ne voit pas bien bien plus loin que le bout de son nez
« Si sa bonté couleur d’octobre
Pouvait un instant se retourner
De l’idéal qu’elle admire
Saurait-elle de sa grâce m’orner
Plutôt que ce cloître couronné d’opprobre?
Suis-je condamné au néant?
Qui ironiquement menace de l’avaler
Elle comble le mien d’une pichenette, d’un rire et de trois goulées
Tisane entre trois soirs assagit coeur béant
D’abord d’admiration pour ses dévotions
Elle qui pourtant déploie les étoiles
En chevaux bridés trottinant leur toile
Ils marchandent l’avenir présent du passé émotion
Pour son don de costumière ensuite
Du mime au rire, elle danse à la présidence
De ses intérêts dans le point de fuite
Créatif de montagnes en réjouissances
Et enfin pour la lumière de ses yeux où se déversent
Les ennuis irrigués du monde entier
Les douces folies? Pas de quartier
Découvrir au grand vol la tendresse des averses
Je crains que derrière ses kaléidoscopes
Ne se terre l’inconnu qui l’y a emprisonnée
Inarrêtable forban, malheureux né désabusé
Des cruels et fourbes parfums héliotropes
Je ne veux pas suivre le prince de la brume
Dans une désillusion trop arrêtée
Le souffle coupé.
J’ai déjà écumé trop de bitumes
Pour savoir écrouler le matin
Sous la devise de gerbes morbides
La Flamme avive! sans incendier
De ses crépitements, un regard s’échappe parfois
Je crains ses aspirations ignifuges
Que c’est paradoxal de courir les pires dangers en calmant le plus exalté...»
Yo ho capitaine, descends donc de tes grands chevaux
Arrêêêête de m'interroger sur ta Muse et ton museau
Écoute plutôt ce que je te propose,
surtout Ose.
Si elle pirate les sept mers
Promets-lui que tout l’or du monde se trouve dans tes bras
Si son avarice la consume outremer
Hisse et ho, fais chemin de croix
Si elle observe d’un oeil lointain les débandades de tes mythes
Raconte-les au gré des pigeons voyageurs
Dissémine-les en vulgarisant tes leurres
Que les incrédules échafauderont en bons termites
Si jamais ses pèlerinages touchent la Voie Lactée
Panse ton drakkar meurtri contre le temps des fjords
Traque ta voix de toutes les voies r é f r a c t é e s
Et bondis les milles îles, borgne mais métaphore
Si enfin elle est un oiseau
Agenouille-toi aux nuages et sitôt transformé
Épouse le ciel! de balbutiements inexplorés
Pars vite et ne reviens pas de sitôt.
«Et si je ne savais plus conter
Qu’en songes affublés d’une auréole de mystère
Qui lui passe au travers? »
Pour une fois, écoute-moi et tourne un peu la tête
Vois-tu le firmament se dessiner à tes pieds?
Doucement chavirée, elle m’a confisqué son nuage:
Ses propos transcendés te sont destinés.