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OPINION

4 février 2021

Une relance économique « fabriquée au Québec »

Victor Dubuc

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Alors que le nouveau président américain réitère ses intentions de favoriser l’économie locale des États-Unis en signant des décrets à visée protectionniste, les économies canadienne et québécoise pourraient se retrouver désavantagées. D’une manière similaire, le Québec doit aussi se doter d’une politique d’achat local.
 
Le 25 janvier dernier, Joe Biden a signé un décret renforçant la Buy America Act et la Buy American Act (à ne pas confondre). Ces dispositions visent à favoriser les entreprises locales dans l’octroi de contrats par le gouvernement fédéral. La loi est en vigueur depuis 1933 (période de la Grande Dépression), mais, dorénavant, pour être considéré comme un produit local, il faudra non seulement que le produit soit fabriqué aux États-Unis, mais également qu’au moins 55% (70% pour les véhicules) des coûts associés à la fabrication du produit final soient dépensés dans l’économie locale américaine (ce taux était de 50 % auparavant et il y avait de nombreuses exceptions permettant de contourner ce règlement). Le gouvernement offre un traitement préférentiel aux entreprises locales par rapport aux entreprises étrangères dans l’octroi de contrats publics. Le décret prévoit que le gouvernement se procurera plus de biens localement qu’il ne le faisait avant.
 
Rappelons que les États-Unis et le Canada sont d’importants partenaires commerciaux., et que le Canada pourrait être désavantagé par le protectionnisme du président Biden. En fait, la majorité des exportations du Canada sont acheminées aux États-Unis. Certains craignent que des entreprises canadiennes déménagent au sud de la frontière dans le but de ne pas être défavorisées dans l’attribution de contrats publics. Ironiquement, cela pourrait également désavantager l’économie américaine, étant donné que les chaînes d’approvisionnement entre ces deux pays sont profondément imbriquées.


« Plusieurs choses que nous leur envoyons contiennent des produits américains, ce qui montre jusqu’à quel point nos chaînes d’approvisionnement sont si fortement intégrées »
-   Marc Garneau, ministre fédéral des Affaires étrangères

 
Lors du renforcement du Buy American par l’administration Obama (2009-2017), Ottawa avait obtenu certaines exemptions à ces mesures protectionnistes. Le gouvernement canadien tente à nouveau de négocier un accord dans le but de limiter autant que possible les effets négatifs que pourraient avoir les politiques protectionnistes américaines sur l’économie canadienne. François-Philippe Champagne qui était, jusqu’à tout récemment, ministre fédéral des Affaires étrangères,  exprimait notamment une volonté de remplacer le Buy American par un Buy North American.
 
Ceci étant dit, je crois sincèrement que le Québec doit faire preuve lui aussi de nationalisme économique et mettre en place des politiques nationales d’achat local. Depuis le début de la pandémie, il semble que le Québec, comme de nombreux États dans le monde, ait commencé à valoriser davantage l’achat local. Toutefois, il n’existe toujours pas de mesures en ce sens similaires à celles mentionnées précédemment, au Québec. Les investissements gouvernementaux représentent pourtant un grand levier lorsqu’il s’agit d’opérer une relance économique. Dans le cas des États-Unis, environ 600 milliards de dollars américains par année sont dépensés par le gouvernement dans des contrats d’approvisionnement en biens et services, et les récentes mesures visent à maximiser encore plus la proportion de cette somme dépensée dans des projets locaux qui supportent l’économie du pays. Nous devrions également favoriser notre relance par des politiques d’achat local.
 
Il s’agirait d’une façon de renforcer notre économie et, en outre, de sécuriser notre approvisionnement en certains biens. Cela serait d’autant plus pertinent pour les biens qui nous sont nécessaires. Nous ne dépendrions plus autant de la production des autres pays, dépendance que la pandémie a bien mise en lumière. De plus, il est important de comprendre le potentiel d’enrichissement et d’accroissement de la vitalité économique de nos régions que des mesures de ce genre pourraient engendrer.
 
En définitive, les resserrements des mesures protectionnistes américaines risquent de défavoriser les exportations canadiennes. De très nombreux pays valorisent la consommation locale et nous devons le faire également en l’incluant à notre plan de relance économique. La CAQ avait déjà manifesté une volonté en ce sens et concrétiser cette idée s’agirait d’une bonne opportunité de démontrer un minimum de cohérence avec l’image nationaliste que ce parti se donne de lui-même. Étant donné que le nationalisme économique est une tendance grandissante chez nos partenaires commerciaux, que notre gouvernement (pourtant « nationaliste ») ne le fasse pas équivaudrait à se tirer dans le pied en ne jouant pas selon les mêmes règles.

Références

Biden Jr., Jospeh R. The White House. Executive Order on Ensuring the Future Is Made in All of America by All of America’s Workers. Washington DC, 25 janvier 2021. https://www.whitehouse.gov/briefing-room/presidential-actions/2021/01/25/executive-order-on-ensuring-the-future-is-made-in-all-of-america-by-all-of-americas-workers/.  

Desrosiers, Éric. «Le Québec espère éviter le nouveau protectionnisme du gouvernement Biden». Le Devoir, 27 janvier 2021. https://www.ledevoir.com/economie/594069/le-quebec-espere-eviter-le-nouveau-protectionnisme-du-gouvernement-biden.

Bergeron, Patrice. « Politique d’achat local : Legault doit faire comme Biden, selon PSPP ». L’Actualité, 27 janvier 2021. https://lactualite.com/actualites/politique-dachat-local-legault-doit-faire-comme-biden-selon-pspp/. 

McCarten, James. « Joe Biden donne un tour de vis protectionniste avec le Buy American Act ». Le Soleil, 25 janvier 2021. https://www.lesoleil.com/affaires/joe-biden-donne-un-tour-de-vis-protectionniste-avec-le-buy-american-act-3c3e3afffdc9bc1a8434929860040f1b. 

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