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RÉDACTION LIBRE
3 novembre 2020

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Règles du jeu :
C’est une charade, un amalgame de caractéristiques qui le définissent, une réponse qui est censée être claire. Haut ou bas. Chaud ou froid. Au contraire, c’est une énigme, une quête dont la réponse n’est ni parfaitement aux pôles, ni exactement au centre, une réponse qui dérive d’est en ouest et qu’on pourchasse. Ce n’est pas un jeu auquel on joue, c’est un jeu duquel on fait partie.

« Premier indice ? »

« Mon premier est son lieu commun.

Entre nous, il y a ce lieu commun. Il nous rassemble et se dresse contre le reste du monde. Notre lieu commun, c’est notre culture. C’est un miroir un peu poussiéreux, qu’on chérit et qu’on oublie en même temps et dans lequel on se regarde en attendant de voir notre réplique. On s’y mire et derrière notre propre reflet se tiennent tous ceux qui s’y sont déjà regardé, tous ceux qu’on a déjà été.

On l’observe et on y voit les chemins entrelacés de ce qui a été et de ce qui est, le passé presque plus tangible que le présent. On le voit, ce passé, ce voile qui se dresse entre nous et notre reflet. On l’admire et on en est fier, mais on ne sait plus exactement fier de quoi. Ce voile, il est de la couleur de notre langue, il est de la couleur de nos exploits, de nos défaites, mais également du sentiment d’avoir été mis de côté, de nos intérêts effacés pour la majorité. Ce voile, il sonne comme notre littérature et notre cinéma, il scande je me souviens parce que notre passé, il n’est pas cendre, notre passé, il ne coule pas dans nos veines, mais il se colle à notre reflet, à l’image que l’on renvoie au monde et à nous-même. Ce voile, il contient tous les échos de ce peuple tant de fois rejeté.

Or, notre miroir, il est plus que ce voile, il est plus que notre passé. Derrière, il y a notre propre reflet, qu’on ne sait plus exactement reconnaître. Aujourd’hui subsiste notre fierté d’être québécois, la fierté de faire partie de ce lieu commun pas tout à fait net. Qu’est-ce qui nous rassemble et nous distingue vraiment aujourd’hui ? Qu’est-ce qui nous rattache à nos ancêtres et nous ficelle les uns avec les autres ? Notre lieu commun se résume-t-il à ce qui était ? »

« Deuxième indice ? »

« Mon second est un révolutionnaire.

La révolution, c’est l’air que respire les Québécois. C’est l’inspiration d’un peuple qui a bravé l’inconnu et s’est installé sur un territoire lointain sous des conditions extrêmes. C’est l’expiration d’une société qui a réduit en pièces les valeurs conservatrices telles que l’inégalité entre les hommes et les femmes ou la domination de la religion pour créer un monde à son image. C’est le désir de ne pas se résumer à une définition qui ne contient qu’une partie de nous et qui ne change pas avec nous. C’est le vent du changement, la volonté de constamment pouvoir se redéfinir, de réparer une définition dépassée ou les erreurs commises pour sa création. C’est garder l’esprit ouvert, tiraillé vers le désir de révolution pour ne pas se cantonner à hier, mais également entrevoir le potentiel de demain. »

« Troisième indice ? »

« Mon troisième est la direction qu’il choisit.

C’est une statue qui se fait tirer dans des directions opposées : par hier inséparable de notre reflet, puis par le monde par-dessus nos frontières qui n’a jamais été si proche de lui qui n’a jamais autant fait partie de lui. C’est un compromis entre des choses qui ne vont pas vraiment ensemble en faisant partie de deux mondes. C’est une statue effritée par le vent qui change, brûle au soleil et craque sous l’effet du froid, une oeuvre d’art en constant changement, une statue qui n’en est pas une. C’est une statue humaine, une statue qui change, tiraillée par les saisons. Une statue reliée à hier et à demain par ce fil intangible qu’est la quête identitaire. C’est se chercher et peut-être ne pas se trouver. C’est une quête bien à nous qu’on n’est plus trop sûr de savoir comment mener après tant d’échecs répétés. Une quête qui a une valeur inestimable parce qu’on connaît toujours mieux la valeur des choses quand on est si près de les atteindre que lorsqu’on les a depuis longtemps. C’est être tiraillé entre le jaune et le vert, puis créer quelque chose qui nous ressemble et nous rassemble en mettant en sourdine les échos de tout ceux qui nous définissent par ce qu’on n’est pas. C’est créer sa propre couleur, puis admirer le travail de ce peuple qui cherche à s’unir, s’émerveiller devant sa statue peinte en myriade de bleus. »

« Mon tout, c’est le chemin sur lequel on marche depuis toujours et qui, en même temps, n’existe pas encore. Mon tout, c’est l’identité québécoise des jeunes, celle d’hier, mais surtout celle d’aujourd’hui. »

« QUI SUIS-JE ? », version Québec

Énora Fortin-Fabbro

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