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OPINION
9 septembre 2020

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Je me suis toujours questionné sur les raisons pour lesquelles la femme a toujours été traitée comme un être inférieur à l’homme. Selon Platon et Aristote, c’est parce que lors de la reproduction, l’homme produit la semence qui crée la vie alors que la femme ne fournit uniquement le nid où l’embryon se développe. Pour les théologiens, l’homme et non la femme fut créé à l’image de Dieu. D’autres communautés soutiennent que la femme est plus faible, car elle doit porter le bébé dans son utérus pendant neuf mois, ce qui la rend plus vulnérable. Parmi toutes les raisons utilisées pour expliquer ce débalancement sociétal, j’y vois une similitude: quelqu’un les a décrétées. On a décidé que la femme serait inférieure.

Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai affronté plusieurs restrictions parce qu’on m’a attribué le genre féminin à la naissance. On m’a fait croire que la violence et les bagarres dans la cours d’école n’étaient pas appropriées pour la petite fille que j’étais, car c’était un comportement pour les petits garçons. On m’a fait croire que je devais absolument porter une robe lors des réunions de familles, car c’est ainsi que je pouvais être propre et belle alors que mes cousins pouvaient s’habiller avec une chemise et des jeans. Avant même que je comprenne ce qu’était une couleur, on m’a fait croire que je ne pouvais m’habiller qu’avec un éventail de choix limités. On m’a fait croire que je devais aimer uniquement certaines choses. On décorait ma chambre avec des fleurs, des poupées, une petite cuisinette et on la peinturait en rose. Une couleur cute disaient-ils. On m’a fait croire que je devais toujours être heureux, obéissant et m’occuper des autres. Ce n’est pas que je n’aimais pas mon environnement et mes jouets, mais j’avais toujours beaucoup trop hâte de sortir de cet univers rempli de constructions sociales et d’aller m’enfermer dans le sous-sol sombre de mes cousins pour jouer aux petites voitures et aux bakugans sans qu’on me scrute. En ce qui concerne mes vêtements, c’était toujours ceux trouvés dans les rayons des fillettes, sauf que la majorité des morceaux n’étaient pas permis à l’école: interdiction aux bretelles spaghettis et pantalons qui doivent atteindre le bas de mes doigts. Les règles étaient formelles pour s’assurer de ne pas distraire les garçons et pour avoir l’air respectable. Sans même que j’aie mon mot à dire, je devais avoir les cheveux longs et les coiffer d’une certaine façon pour être présentable. Ce n’étaient peut-être que des détails comme diraient certaines personnes, mais c’étaient de gros détails qui ont eu une importance inimaginable sur ma façon de voir les choses. Qu’est-ce que je pouvais faire du haut de mes neuf ans? J’étais un mouton.

J’approche la vingtaine, je m’identifie la plupart du temps au genre féminin, peu importe la signification que je donne au terme, et j’ai encore un physique associé à celui d’une femme. J’ai peur de sortir seul quand il fait noir, mais seulement parce que les statistiques font peur. Quand j’ai l’impression qu’on me suit, j’accélère et je fais semblant d’appeler un ami. C’est aussi parce que mon environnement social m’a éduqué de manière à ce que je ressente cette frayeur. On m’a conditionné pour que je pense devoir ne pas laisser à découvert certaines régions de ma peau. J’essaie tant bien que mal de me convaincre qu’il n’y pas de quoi avoir honte, que c’est mon corps, qu’on est en 2020, mais les cruautés et les mentalités qui surgissent encore dans notre monde si mal éduqué me font croire que j’ai raison de faire attention à ce que je porte. L’Enquête nationale sur les filles autochtones disparues et assassinées horrifie pendant que le nombre d’agressions sexuelles de femmes mortifie, et j’en passe. Restent ainsi gravées dans mon esprit toutes ces restrictions basées uniquement à partir de mon apparence et de ce que j’avais entre les jambes lorsque je suis né .

Ça m’a fait douter de ma confiance en moi. Ça m’a fait juger ceux qui ont réussi à passer cette épreuve. Ça m’a fait me sentir comme un objet. Ça m’a rendu jaloux. Ça m’a fait sentir comme si mon corps ne m’appartenait pas. J’ai honte. Et j’ai honte d’avoir honte.

Pour la plupart des femmes vivant au Canada aujourd’hui, ce n’est plus comme avant, j’en conviens. Si je me fie aux histoires, aux documentaires et aux articles historiques, je constate que la place de l’homme n’a pas bougé tandis que celle de la femme est en constant changement. Le droit de vote fut permis aux femmes il y a à peine plus de cent ans au Canada et il y a 80 ans au Québec. Ça m’indigne. Ma grand-mère a 89 ans. C’est si proche de nous. Oui, la condition des femmes a changé, mais c’est seulement un pas vers la direction la moins médiocre. Quand est-ce que tous les sexes et les genres seront traités équitablement et justement ? On traite la femmes comme … et bien comme une femme. Le terme en soi semble avoir pris une connotation négative. Combien de fois ai-je entendu elle est bien forte pour une fille ou tu agis comme une fille ? Elle ne doit pas être trop grande, trop petite, trop mince, trop grosse, trop organisée, trop désordonnée, trop drôle, trop silencieuse. Le modèle de perfection n’existe pas, mais la femme doit être parfaite. Aucun sens.

Ce qui manque, c’est l’éducation. Les petites filles grandissent avec l’idée qu’elles sont inférieures aux hommes. Normal quand, dans certains pays, la femme n’a simplement aucun droit et sert de faire-valoir au mari. L’éducation et les parents portent le rôle clé dans le développement de l’idée d’équité des sexes. Sauf que, il y a un autre problème. Nos parents ont également été élevés dans ce modèle d’éducation. Il est nécessaire qu’un changement drastique s’opère, sinon la situation ne changera simplement jamais. C’est un vilain cercle bien vicieux. Est-ce qu’on va s’en sortir ? Est-ce que la tentative d’une réforme est suffisante ?

La place des femmes

An Meilodi Paquet

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