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OPINION
7 novembre 2020

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Être féministe implique promouvoir les droits des femmes et désirer l’égalité des sexes dans la société.¹ C’est tout. Les droits des femmes au Québec résultent d’un combat politique et social acharné qui perdure encore de nos jours et qui doit percer à travers les années malgré les défis qui y sont associés. Derrière chacun des privilèges se cachent une ou des milliers de Québécoises dédiées à la cause. Je crois qu’il est essentiel de prendre le temps de les honorer en regardant les grandes lignes du parcours des féministes qui sont souvent oubliées dans l’histoire Québec.

Trois contraintes principales nous empêchent de mettre de l’avant l’histoire des femmes en général. Pour commencer, elles ont été oubliées au moment de la reconstruction du passé et ce, malgré le fait qu’elles représentent concrètement la moitié de l’humanité. Cela explique leur invisibilité dans les sources principales. C’est pourquoi les rares fois que l’histoire les mentionne, nous parlons souvent d’une femme en particulier ou, plus précisément, d’une réussite individuelle. Ce le discours qui présente les succès des femmes comme des cas singuliers a un nom : le phénomène de l’exceptionnalisme.² De plus, la condition des femmes n’a en général pas été bien documentée et celles qui ont longtemps été jugées dignes d’intérêt l’étaient uniquement parce qu’elles avaient accompli des activités normalement réservées aux hommes.³ Finalement, l’histoire des femmes a toujours été un sujet traité séparément comme si celles-ci ne faisaient pas partie du cours de l’histoire.

Au Québec, les femmes autochtones n’adhèrent pas toutes au mouvement féministe québécois étant donné que le combat n’est pas le même. Effectivement, en 1851, le gouvernement de la province du Canada a imposé un système patriarcal, ce qui faisait que désormais, seul le père pouvait transmettre le statut juridique d’Indiens retirant ainsi aux autochtones le choix de définir par eux-mêmes les conditions d’appartenance à leur communauté.⁴ En outre, la Loi sur les Indiens mise en place en 1876 enlevait le statut aux femmes autochtones qui épousaient des hommes non-autochtones, privant de cette façon plus de 25 000 femmes ainsi qu’entre 500 000 et 1 million de leurs descendants de leurs droits ancestraux.⁵ Par conséquent, les femmes autochtones se battent dans le but de revenir à leur système matrilinéaire arraché par les tentatives d’assimilations, tandis que les femmes occidentales revendiquent l’égalité en combattant le système patriarcal dans lequel elles ont toujours vécu. En 2012, le mouvement Idle No More de l’Ouest canadien qui dénonce la violence envers les femmes autochtones est représenté, au Québec, par Widia Larivière et Melissa Mollen Dupuis. En 2019, le rapport final de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées reconnait enfin qu’elles ont été victimes d’un génocide suite à la colonisation.

D’abord, sur le plan économique en Nouvelle-France, le rôle des femmes est surtout dans les sphères de l’éducation et de la santé au cours des XVIe et XVIIe siècles. Nous pouvons notamment penser à Jeanne Mance qui a fondé l’Hôtel-Dieu, Marguerite Bourgeoys qui a ouvert des écoles pour les enfants de la colonie et Marie de l’Incarnation qui a mis en place les Ursulines de l’union canadienne. De leur côté, les femmes vivant à la campagne s’occupent des travaux agricoles. Puis, suite à la Seconde Guerre mondiale, les femmes ont fait leur entrée définitive sur le marché du travail. En 1978, la politique de féminisation des appellations des fonctions et des titres d’emploi est établie par l’Office de la langue française. En outre, en 1995, une marche nommée du Pain et des Roses est organisée pour lutter contre la pauvreté des femmes. Cette manifestation entraîne l’augmentation du salaire minimum de même qu’un plan d’infrastructures sociales. Ce n’est qu’en 1996, suite aux pressions de ce groupe de femmes, que la Loi sur l’équité salariale est appliquée.

Puis, au plan politique, en 1834, une Loi abolissant la participation des femmes aux élections est mise en place et seul Louis-Joseph Papineau expose au grand public son désaccord. Plus tard, les suffragettes au début du 19e siècle revendiquent ce droit qui est reconnu au palier fédéral en 1919 et en 1940 au provinciale notamment grâce à Thérèse Casgrain. En 2012, Pauline Marois est élue première ministre du Québec. Elle est d’ailleurs la première femme ayant obtenu ce titre. En 1997, alors que Pauline Marois était ministre de la Famille, elle a mis en place un réseau de garderie à coût fixe améliorant ainsi la vie des femmes sur le marché du travail.

Ensuite, au plan culturel etplus précisément journalistique, le premier texte en français féministe L’Abrégé des droits des Femmes est publié en 1794 dans le Magasin de Québec. Cette traduction de l’article de Mary Wollstonecraft revendique l’importance de l’éducation et de la vie intellectuelle et politique chez les femmes. En 1832, Marie Gardon Gosselin fonde un journal bilingue au Bas-Canada, le premier créé par une femme, destiné et écrit par celles-ci.

Pour ce qui est de l’aspect social, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) sera mise sur pied en 1966 pour porter les ambitions des femmes du Québec⁶. Grâce à ce mouvement, une commission d’enquête est mise en place par le gouvernement fédéral concernant la situation des femmes au Canada. Puis, le Conseil du statut de la femme, fondé en 1973, réussit à faire pression pour obtenir des congés de maternité de dix-huit semaines qui sont devenus la norme en 1978. L’interruption volontaire de grossesse est également légalisée en 1989, laissant désormais le droit aux femmes d’avoir une libre disposition de leur corps.

Finalement, sur le plan juridique, le Code civil du Bas-Canada inspiré du Code civil français sanctionne en 1866 l’incapacité juridique des femmes qui sont dorénavant considérées comme des enfants sans droit économique. Ce n’est que beaucoup plus tard en 1964 que Claire Kirkland Casgrain dépose le projet de Loi 16 stipulant que les femmes ont des droits juridiques identiques à ceux de leurs époux.

Bref, je crois fermement qu’il est important de reconnaître nos privilèges obtenus dans diverses et multiples sphères pour pouvoir les apprécier. Il suffit de se remémorer de la tuerie de l’École polytechnique de Montréal, un évènement tragique, pour comprendre que la bataille pour l’égalité des sexes doit être maintenue et jamais tenue pour acquise.

LES OUBLIÉES DE L'HISTOIRE QUÉBÉCOISE
L'histoire du féminisme au Québec

Laurence Picard

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