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OPINION
3 février 2021

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Les déchets provenant des centres urbains représentent une part importante de la pollution mondiale. Alors que les effets désastreux des plastiques jetables sur l’écosystème sont de plus en plus connus, un ennemi encore plus insidieux et inquiétant passe largement inaperçu : les mégots de cigarettes. Ils ont des conséquences dévastatrices pour la santé humaine et animale, en plus de faire d’énormes ravages environnementaux.

Chaque année, environ 4,5 milliards de mégots sont jetés au sol par les consommateurs. Ils représentent donc le premier type de déchets urbains générés par les citoyens, ainsi que l’un des ennemis les plus pervers pour la faune et pour la flore terrestre et marine.¹ La nature plastique de ces filtres (acétate de cellulose) contient plus de 4 500 substances chimiques, dont plusieurs sont hautement réactives, nocives, voire cancérigènes. On y retrouve, entre autres, du polonium 210, du mercure, du plomb, du DDT, du goudron, de l’arsenic, de l’ammoniaque, du cyanure, etc.²

Si les effets de la fumée de cigarette sont connus depuis longtemps, la compréhension collective de l’énorme pollution produite par les mégots est limitée. Leur légèreté permet un voyage facile vers l’eau des égouts et des rivières, soit là où leurs composants chimiques sont libérés en bien peu de temps. Il ne suffit que d’un seul mégot pour contaminer jusqu’à 1000 litres d’eau.³ De plus, nombre d'espèces marines et terrestres avalent directement les mégots. Résultat : intoxication à long terme, perte d’appétit et décès. Enfin, les composés toxiques et les nanoplastiques remontent rapidement toute la chaîne biologique, puisque des résidus sont présents dans l’eau potable, dans les aliments et même dans l’air.

Si la situation au niveau mondial est inquiétante, la ville de Québec ne fait pas exception. Les mégots jonchant le sol ont un impact direct sur l’environnement, sur la santé et même sur les finances de la ville. La mairie doit payer pour le coût du nettoyage des rues et de l’épuration des eaux. Des études américaines⁴ ont estimé que les coûts de ramassage des mégots de cigarettes, dans les grandes villes états-uniennes, s’élèvent entre 3 et 16 millions de dollars chaque année.

La loi provinciale « concernant la lutte contre le tabagisme » (L-6.2) stipule qu’il est « interdit de fumer dans un rayon de neuf mètres de toute porte, de toute prise d’air ou de toute fenêtre [...] ».⁵ Cette loi a considérablement aggravé le problème de la dispersion des mégots. Le règlement a en effet incité les propriétaires d’immeubles à enlever les cendriers muraux présents à l’extérieur. Dans ce contexte, les mégots qui se retrouvaient en partie à l’intérieur des cendriers muraux s’accumulent aujourd’hui copieusement dans les endroits publics : rues, trottoirs, parterres, arrêts d’autobus et, pire encore, égouts.

Le non-respect de la réglementation s’ajoute à l’inaction à faire respecter la loi et à imposer des sanctions. Montréal, contrairement à la Ville de Québec, donne des amendes aux fumeurs qui jettent leurs mégots au sol. Pourtant, le RÈGLEMENT municipal « DE L’AGGLOMÉRATION SUR LES NUISANCES » (R.A.V.Q. 122) établit l’interdiction de la dispersion de tout objet ou matière toxiques et dangereux (les mégots entrent dans cette catégorie), sous peine d’amendes allant de 300 $ à 1000 $.

Malgré la gravité du problème, il est possible de lutter contre la dispersion des mégots. Une campagne de sensibilisation massive devrait être menée au niveau municipal à des points clés de la ville tels que les arrêts d’autobus et divers lieux publics. La loi provinciale L-6.2 devrait être révisée en supprimant la règle des neuf mètres et en incluant la réinstallation obligatoire des cendriers, à l’extérieur de chaque bâtiment public et complexe d’habitations, avec une contribution municipale pour l’achat et l’installation. Sur des enseignes, il faudrait également indiquer clairement l’interdiction de jeter les mégots au sol sous peine d’amende et s’assurer du respect de ce règlement par les fumeurs. Pour aller plus loin, les fabricants de cigarettes devraient être directement responsables des coûts de ramassage des mégots sur les terrains publics et de la sensibilisation au problème. Une discussion est déjà ouverte à ce sujet dans d’autres pays comme la Belgique et la France.⁶ En Allemagne, à Vancouver et même en Ontario, on parle actuellement de la possibilité d’intégrer une consigne pour les mégots de cigarette de manière à les recycler plus efficacement.⁷ Une idée qui pourrait aussi s’avérer intéressante pour le Québec.

Pollution insidueuse

Pier Paolo Comida, Charlie Jutras et Loucie Tremblay

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