
POÉSIE
27 octobre
Deux paréidolies
Rose Côté et Emmanuel Brouillette

LES PHOSPHÈNES
— Il y a des lumières derrière mes yeux !
Je ferme les paupières
Mais je ne dors pas.
Je regarde le mouvement des lumières
Ici, c’est l’espace
Des galaxies — ombres rouges
Violettes
Tous ces points comme des étoiles
Partout
Je me concentre
Je regarde loin (le plus loin possible).
— Comment comprendre cette profondeur
Vers laquelle je ne peux avancer ?
Parfois, je joue à serrer fort mes yeux
Ou je pose mes paumes par-dessus
Oh! Essayez les deux en même temps
Vous verrez de lentes baleines bleues
Et si je pèse avec le bout de mes doigts (trois pour être précise)
Je crée des explosions de couleurs
Pulsatiles
Des lassos verts
Un grand œil de hibou
Aux iris mouvants comme l’onde
Au passage d’un caillou.
Je ferme les paupières
— Quel drôle de jeu !
J’ai l’espace en moi.
— Rose Côté
LE GLAPISSEMENT
La mâchoire approche
Tu cries ton cri de renard
Celui qui te fait recracher
Les bronches en boule de chair
Et la voix comme une brume.
Je n’ai pas le vœu de ta mort
Mais la mâchoire approche
Et mes bras n’ont jamais tenu
Sous le ciel et l’odeur du ciel
Le poids chaud de ton corps gibier.
Et maintenant c’est ta tête
Couverte de feuilles
C’est ta tête à l’orée du fer
À l’auréole mécanique.
Tu glapis
Tu te tais
Mâchoires closes.
La marche est lourde de ton crâne
De la couronne rouillée
Et tes oreilles s’enfoncent
Quand le sol s’infiltre
Par le grain dans tes fractures.
Tu deviens en peluche
Rembourré de terre.
Je n’ai qu’à te retourner au berceau
Bras et jambes raides sous l’édredon
La tête enfoncée dans le matelas
Jusqu’à ne plus sortir du sommier.
Mon renard il est temps
D’entonner la comptine de nuit.
— Emmanuel Brouillette
Correction: Rose Côté et Emmanuel Brouillette
Illustration: Fiona Ivers